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Les Geeks, une génération intelligente à comprendre
Par Dr. Djalila RAHALI
A la UNE de Crésus Hebdomadaire
Crésus Hebdomadaire du 12 Mars 2019
 
 
 

Mais avant de comprendre ce qui se passe dans l’esprit de notre génération actuellement, il faut aller un peu fouiner dans l’histoire de l’introduction d’internet dans notre vie pour, justement adhérer à cette philosophie  du rejet par le ridicule, de la considération comme danger puis de l’acceptation comme évidence dans le processus d’une avancée révolutionnaire y compris quand il s’agit du comportement humain.t

Une génération intelligente à comprendre

Les Geeks, des personnes jeunes, voire très jeunes accros à la technologie, spécialement celle de l’information surtout celle ventilée à travers les réseaux sociaux. Cette génération d’aujourd’hui, hyper connectée, est née avec internet à sa disposition. Elle utilise les technologies de pointe connectées, à savoir les Smartphones, les Ipad, les  montres intelligentes, les skateboards numériques connectées et nous ne savons pas qu’est-ce qu’elle utilisera encore demain surtout avec l’avènement des gadgets utilisant la réalité augmentée et l’intelligence artificielle. Il faut savoir  qu’actuellement nous ne parlons plus d’une simple génération mais d’une mentalité qui révolutionne la société touchant, dans sa forme, ses bases fondamentales mais, dans son fond, il n’en est rien sauf qu’elle crée de nouveaux principes pour une meilleure adaptation de l’homme à son futur, à savoir sa vie dans les Smartcities, villes intelligentes de demain. Comme toute nouvelle génération, elle subit le rejet et le déni d’abord, parce qu’elle est considérée comme ridicule, ayant perdu le sens des  valeurs, ne mâchant pas ses mots, n’ayant aucun sens de responsabilité et j’en passe. Plus de négativisme autour de nouvelles  pratiques qu’une tentative de compréhension de ces pratiques-là.

Puis cette même génération  a été et est encore considérée comme dangereuse par une certaine catégorie de chercheurs et d’analystes, surtout après le fameux appel d’un jeune Snapchateur de 21 ans, du nom de Rifka et qui a pu regrouper pas moins de dix mille adolescents à la place Riyad El Feth en les invitant sur ses réseaux sociaux à assister à son anniversaire. Ce 22 septembre 2018, les analystes sociologues, psychologues, psychopédagogues ont été alarmés par ce fait en le calquant sur une autre situation qui pouvait être un appel  plus agressif, et donc d’un danger majeur pour la société. D’ici quelques années, la mentalité Geek sera acceptée et ses comportements vus évidents et sera même vénérée pour avoir changé le monde. Mais avant de comprendre ce qui se passe dans l’esprit de notre génération actuellement, il faut aller un peu fouiner dans l’histoire de l’introduction d’internet dans notre vie pour, justement, adhérer à cette «philosophie» du rejet par le ridicule, de la considération comme danger puis de l’acceptation comme évidence dans le processus d’une avancée révolutionnaire y compris quand il s’agit du comportement humain.

 

L’avènement d’Internet en Algérie et la réaction humaine 
Il se trouve donc que les Algériens ont découvert Internet de manière très rapide voire choquante comme tout le monde d’ailleurs.  L’introduction d’Internet dans la vie de l’être humain en général a été rapide et non préparée, phénomène mondial qui s’est répercuté sur le comportement humain. La première génération qui a accueilli ce moyen technologique, appelée génération X, a eu du mal à l’adopter par appréhension de son contenu et de son impact, surtout sur les enfants.  L’introduction de la radio, de la télévision et après cela de l’antenne parabolique a connu le même sort : au départ, une résistance en face de l’inconnu, j’allais dire de l’étranger, et plus tard, une adoption progressive mais maladroite compte-tenu de la pression exercée par l’environnement, la culture et surtout le rejet de la génération d’avant (les baby-boomers) de ce genre de technologie. L’introduction d’Internet a été plus appréhendée que tous les autres, vu que c’est une plateforme qui a intégré un élément d’une importance capitale: L’inter-connectivité humaine. Cette dernière a fait que tout le monde peut communiquer avec tout le monde et dans les quatre coins de la terre sans frontières ni barrières et surtout sans pouvoir de contrôle.  Face à cela, les parents et les enseignants – moteurs clés dans le processus de l’éducation, elle-même facteur principal dans tout  changement et préparation au changement sociétal sur tous les plans – ces parents-là donc, ne savaient pas eux-mêmes quoi faire en face de ce nouveau moyen technologique et comment s’y prendre. La génération X dont les personnes sont nées entre 1959 et 1977 (41-59 ans) est celle qui a accueilli, la première, internet.

Elle a été tellement impressionnée par ce moyen de communication et d’information qu’elle s’est jetée en plein dedans sans aucune connaissance, juste en tâtonnant. En ce temps là, peu pouvait le faire à cause du coût de connexion assez cher et aussi des moyens qui n’étaient pas toujours disponibles (micro-ordinateur personnel, connectivité à longueur de journée etc.). Les parents de cette époque-là avaient eu du mal à intégrer l’internet dans leur quotidien et avaient résisté plus à son intégration dans la vie de leurs enfants.  Venait ensuite la génération Y née entre 1978 et 1994 (24-40ans) . Pour la plupart, ces personnes sont actuellement de jeunes parents. C’est cette génération qu’on a appelé la e-Génération née avec les moyens technologiques (de la Tv à Internet) qui a subi le plus de pression à cause de la succession des moyens technologiques de manière rapide sans laisser le temps à la bonne assimilation encore moins à la maitrise parfaite et efficace de ces moyens, d’où l’instauration des maux les plus sérieux liés à l’utilisation d’internet dans deux volets : la sur-utilisation et la mal-utilisation des technologies qui a laissé apparaitre de nombreuses addictions comportementales (addiction à la Tv, addiction au zapping, cyberdépendances, addiction aux jeux vidéo et aux jeux en ligne, addiction aux réseaux sociaux dont Facebook et Twitter, addiction au Smartphone etc.). 

Nombreux aussi sont ceux qui ont choisi le troisième volet, à savoir la non-utilisation et refus d’utilisation d’internet par ignorance mais surtout par méfiance et par peur de l’inconnu. La génération Y a connu de grandes fluctuations qui se sont répercutées par la suite sur la génération d’après, en l’occurrence la génération Z qui s’est appropriée le titre de génération Geek. Ce sont des personnes nés à partir de 1995 et qui doivent avoir  actuellement 24 ans et moins. On ne connaît pas au jour d’aujourd’hui jusqu’où cette génération va s’arrêter puisque même les enfants en bas âge y sont inclus avec leur sur utilisation des plateformes connectées. On parle actuellement de culture Geek qui s'est imposée aux parents d’aujourd’hui, encore jeunes eux-mêmes et n’ayant pas encore acquis la maturité qu’il faut dans le domaine des TIC qu’ils emploient à tord et à travers.  

 

Les générations Y et Z sont celles, à mon avis, qui ont le plus transposées leur vie réelle dans le monde virtuel en adoptant  tous genres de comportements,  du normal au déviant et même le pathologique. Ceci a été fait par le biais des  spécificités de l’espace cyber d’où l’apparition d’un début de changement sur tout les plans : affectif, comportemental, cognitif, physiologique, culturel, économique  et j’en passe. 

L’Algérien est  en plein dedans aussi et se comporte sur internet comme tout autre internaute dans le monde, perdu dans l’océan de la connectivité et surtout de l’inter-connectivité où il transpose maladroitement le réel dans le virtuel sans aucune différenciation. Les parents algériens sont soucieux de l’éducation de leurs enfants et des valeurs qu’lnternet est en train de changer en eux, mais se trouvent handicapés en face de ce phénomène. Ne trouvant pas de «bouton off» pour contrôler leurs enfants, ces jeunes parents paniquent et prennent conscience que la chose est sérieuse et qu’ils sont eux-mêmes dans l’œil du cyclone, donc qu’ils doivent eux-mêmes se remettre en cause et cela est très difficile en l’absence de repères que les professionnels ont le devoir de tracer. Faire pour les parents est difficile, devoir faire-faire est de l’ordre de l’impossible pour la majorité d’entre eux d’où le sentiment qu’ils sont complètement désarmés face à plusieurs comportements «déviants» de leurs enfants. 

L’Algérien d’aujourd’hui s’intègre dans ce pattern qui est mondial.  Internet, je le dis et le redirai autant de fois qu’il en faut, est le plus beau cadeau jamais offert à l’humanité et sur un plat d’or, mais s’il est utilisé de manière anarchique, illégale et  libre il deviendra certainement une « malédiction » qui frappera toute l’humanité à coup de fouet et l’entraînera dans les profondeurs abyssales de l’inconnu. Le danger viendrait des addictions comportementales addictions aux jeux en ligne, aux réseaux sociaux, aux Smartphones, aux selfies et même au hacking qui est une nouvelle mode chez nos Geeks. 

 

L’esprit Geeks,une mentalité hacker 

Quand on parle de Hacking nous devons d’abord savoir que c’est une pratique qui veut que le hacker soit à l’origine un bidouilleur, et non un pirate ou un criminel comme les mass médias le dessine. Le hacking est en fait l’action de comprendre un ou plusieurs systèmes (pas forcément un système informatique), le bidouiller et le détourner tout en s’amusant à le faire. Le système bidouillé peut être tout genre de système y compris le cerveau humain, un système social, une cellule humaine ou un produit commercial. Un exemple, faire à partir de bouteilles en plastique entassées les murs d’une maison est un hacking du produit initial qui est la bouteille en plastique. Cela donc nous aide à comprendre l’esprit Geek puisque la mentalité hacker, à sa base, est spécifique et si on veut comprendre nos jeunes d’aujourd’hui nous devons inévitablement passer par quelques faits, en calquant la théorie de l’autodétermination sur la mentalité Geeks pour comprendre l’esprit qui la gère  surtout quand il s’agit de comportements de grandes masses où les réseaux  sociaux différents ont leur place primordiale dans un soulèvement social tel que celui par lequel passe notre cher  pays.

Ainsi, nous pourrons constater que les geeks détestent les  ordres formels qui  tentent d’arrêter leurs activités et leur élan. Ils ne marchent pas à la carte, ni au bâton encore moins à la carotte. Ils se gardent de faire ce que les autres veulent qu’ils fassent et suivent leur instinct jeune et vif en utilisant tous les moyens qu’ils trouvent à leur disposition pour arriver à leurs buts. Ils n’ignorent pas les autres, bien au contraire mais ne font qu’à leur tête. De plus, toute motivation qui les anime, toute créativité et  tout élan, naissent véritablement en eux non commandés par autrui ou influencés par d’autres ce qui explique qu’ils sont entreprenants et qu’à un âge précoce, 15 à 21 ans, ils peuvent montrer une créativité inouïe et monter des projets hors commun (les start-ups de jeunes sont les meilleurs exemples). Les geeks ont donc une orientation autonome qui fait que très jeunes ils peuvent se lancer dans des aventures colossales et des projets pharaoniques pas pour épater ou amuser la galerie mais par défis qu’ils se lancent à eux-mêmes d’abord et qu’ils n’abandonnent presque jamais et y tiennent plus encore quand l’environnement s’y oppose.

Les réseaux sociaux : l’espace de vie réelle des geeks

Les réseaux sociaux pour les générations X et Y sont un espace de divertissement et de communication rapide et de longue portée juste cela. Mais pour la génération geek, Internet est un espace de vie réel et existant. Les relations humaines que nos jeunes nouent avec leurs suiveurs, leurs funs, leurs amis (es) virtuels (elles), sont pour eux bel et bien réelles ce qui explique  le temps qu’ils  passent sur Facebook, Messenger, Snapchat, Instagram, Viber, WhatsApp, Imo etc., et les frustrations qui peuvent les affecter profondément à travers ses mêmes plateformes en cas d’injustice, d’harcèlement ou juste de déception sentimentale. Ce qui est fascinant de constater est  le fait que des groupes d’amis (ies) peuvent rapidement se constituer autour d’une cause, d’une personnalité idole, d’une activité et même autour d’une action banale comme une randonnée, une compétition entre joueurs d’un jeu en ligne, un achat de vêtements de luxes à bon prix etc.. 

Le fait que les réseaux sociaux soient l’endroit de présence préféré des jeunes d’aujourd’hui, est facilité surtout par l’accessibilité des plateformes connectées, la jouissance de l’anonymat complet, l’existence d’un espace pour eux où ils croient pouvoir tout faire surtout faire ce qu’il ne peuvent pas faire dans la réalité, le pouvoir de dire ouvertement ce qu’ils pensent, tout cela joue un rôle primordial dans l’image qu’ils peuvent se faire d’eux-mêmes, amplifiée par les spécificités du cyberespace justement. Ces dernières sont actuellement étudiées par la cyber psychologie qui est une discipline qui a vu le jour il y a plus d’une vingtaine d’année aux Etats Unis et qui étudie l’impact de la technologie sur l’être humain. Ainsi, quand les jeunes internautes trouvent un espace qui contribue à l’amplification de leurs émotions positives mais aussi négatives, ils s’immergent  complètement et leur altruisme devient fabuleux mais aussi leurs émotions négatives surtout celles liées à l’injustice. Il est d’ailleurs connu chez les sociologues et les psychologues que la jeunesse est vulnérable à l’injustice  ce qui explique son élan démesuré à l’action en faveur de la justice,  de la protection de la nature et l’aide humanitaire.

A ce stade-là, les psychologues affirment que les jeunes ressentent intensément l’injustice et ne peuvent pas la refouler parce qu’ils n’ont pas encore appris à gérer les frustrations. Le coping non réalisé, tout information écrite, verbale ou symbolique, toute image, tout ressenti, alimenteront  inévitablement  leur ferveur à l’action. Le coping étant par définition «l'ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources d'un individu»

Un exemple concret de l’alliance de jeune pour une cause est celle ou par exemple à un ami Facebook, tombe dans un problème de santé et ce sont tous les jeunes de son compte Facebook ou son groupe Facebook qui se rallie pour l’aider d’une manière fascinante. Un exemple négatif est que cette alliance peut être opérée aussi contre un enseignant pour le faire quitter l’établissement où il travaille ou faire pression sur lui. Donc, nous assistons là à une génération qui n’a pas besoin de liens longs dans le temps ou de liens de parenté et d’amitié réelle pour se regrouper. Le sentiment d’appartenance à un groupe sur les réseaux sociaux s’installe très rapidement comme ce qu’il arrive dans les jeux en ligne. Les spécificités du cyberespace (anonymat, amplification, désinhibition en ligne, immersion en ligne etc.) font qu’ils se sentent liés tous, profondément et de manière très forte, ce qui explique le fait de leur implication tous, quand ils veulent, dans une cause choisie : ceci peut donner une grande fête organisée sur les réseaux sociaux et réalisée dans la réalité  mais peut donner aussi un grand désastre prémédité en ligne, par des meneurs malveillants surtout, et réalisé dans la rue. 

 

Les Geeks, leaders de demain 
Qu’on le veuille ou non, demain c’est cette génération de Geeks qui gérera notre avenir. Et quoique la société dise de son mode de vie, de ses comportements et de son insouciance, je dirai, en chercheure et analyste des comportements et cyber comportements des plus normaux aux plus déviants,  que cette génération hyper connectée , trouvera des solutions pour pallier aux problèmes nés dans le cyberespace et par lui, et pour, en finalité, améliorer le monde réel où les générations futures vivront. Il ne faut surtout pas sous-estimer les jeunes d’aujourd’hui qui regardent le monde plus à travers leurs écrans  que par leurs yeux,  ils sont plus avérés qu’ils ne laissent voir. Nous devons donc faire plus confiance en cette génération très intelligente, voire plus astucieuse que nous, d’où le fait qu’elle échappe souvent à notre contrôle. Nous devons aussi et surtout  l’orienter de manière subtile, intelligente et continue en nous immergeant plus dans leur monde au lieu de le rejeter et de les ridiculiser dans leur manière d’être et de faire. Respecter la mentalité Geek, c’est respecter l’évolution même de l’homme qui devient petit à petit cet homo numéricus qui sera obligé de se fier à la technologie quand cette dernière lui procure le bien-être et le bonheur qu’il cherche depuis la nuit des temps.

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