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Des jeux qui font perdre le «je» (première partie)

Par Dr Djalila Rahali : 

Cyber psychologue clinicienne – chercheure en cyber comportements et cyber délinquance

Publié à Crésus Hebdomadaire N°180 

le 12.03.2019

 

Nombreux sont les chercheurs  qui, dès l’année 1995, avaient posé la question autour du seuil de nocivité d’Internet. Il faut savoir que internet est un outil d’une très grande puissance qui a mis le monde entre nos mains mais aussi bousculé notre manière de vivre et de nous comporter avec nous-mêmes et avec les autres.

 

Il est clair qu’une  fois ce seuil repéré nous pourrons, nous professionnels de la psychologie liée au cyberespace parler du quoi-faire et du comment-faire. Nous pourrons aussi décider des éléments sur lesquels nous pourrons travailler et aussi nous fixerons les personnes sujettes d’intervention. 

Il faut aussi savoir que les recherches en cyberpsychologie  permettent cette manière de faire. Elle est, en fait, une nouvelle discipline en psychologie. Ainsi, selon les plus récentes des recherches, internet devient nocif quand il y a sur-utilisation qui va vers la dépendance, voire l'addiction à tout «produit»  virtuel (jeux en ligne, texting, interactions à travers les réseaux sociaux, consommation excessive  d'actualités, jeux d'argent, cybersexe, cyberpornographie, achats en ligne et la  liste est encore très longue et se rallonge de plus en plus. La nocivité donc ne se lie pas au moyen lui-même mais à son utilisation. Les plus graves des problèmes liés à internet sont, à mon sens, ceux qui se rattachent à l’addiction comportementale (cyberdépendance à tout produit dans le monde cyber). Il faut le savoir, ce genre de dépendance se répercute négativement non sur le bien-être de la personne seulement mais aussi sur sa vie familiale, sociale, professionnelle etc. 

Mais avant de diagnostiquer une addiction, quel que soit l’objet auquel elle se rattache, il faut qu’il y ait des symptômes assez importants, ces derniers sont généralement rapportés par la famille et non par la personne elle-même. 

Pour qu’on puisse parler réellement de l’addiction, ces critères sont comme suit : l’augmentation progressive du temps passé sur internet pour l’obtention d’une même satisfaction, l’inefficacité des efforts fournis pour arrêter ou contrôler l’utilisation d’internet et, enfin et surtout, le syndrome de sevrage (manque) avec difficulté à supporter l’arrêt ou la réduction de l’utilisation d’Internet, ce qui dans ce cas engendre l’apparition d’anxiété, d’irritabilité, d’agitation psychomotrice, de pensées obsédantes relatives à ce qui se produit sur Internet. Ces symptômes- là disparaissent dès la reprise de la connexion. L’élément essentiel est donc que malgré la prise de conscience des problèmes familiaux, sociaux, professionnels, relationnels, psychologiques et même physiologiques, «l’accro» persiste dans son comportement et ne peut plus décrocher. De plus, même après des efforts pour décrocher, il récidive  généralement et vite. Quand il est en plein «besogne», et après que sa famille l’agresse pour arrêter de jouer ou de dépendre d’Internet, il a recours généralement au mensonge pour s’en sortir. Ce mensonge porte sur le temps passé devant l’ordinateur et son usage généralement. Les addictions les plus connues au jour d’aujourd’hui sont l’addiction aux jeux vidéo et jeux en ligne, le jeu pathologique en ligne (jeux d’argent), l’addiction aux réseaux sociaux et au cybersexe. D’autres addictions ont malheureusement vu le jour tel que l’addiction aux Smartphones,  le selfitis (addiction aux selfies) et la liste est encore longue.

Dans le contexte de dépendance à internet, je me rappelle qu’en Algérie, la meilleure mesure de cyberdépendance que j’ai eu à relever chez le public était celle liée à la coupure générale d’internet en 2015 suite à une panne technique généralisée : Le comportement de milliers d’Algériens dans les agences d’Algérie télécom. 

Ainsi, toutes les agences ou presque se sont vu prises d’assaut par des citoyens qui avaient montré des comportements agressifs à l’égard des employés à cause de la non-disponibilité de la connexion pour plusieurs heures. En fait, c’était un malaise ressentit et exprimé ouvertement. Amel, cadre à Algérie télécom s’en souvient bien et m’avait rapporté à l’époque  que l’agence où elle travaillait s’est vu obligée de se doter d’agents de protection  supplémentaires pour intervenir auprès de personnes qui perdaient tout contrôle de leur vocabulaire et de leurs comportements en l’absence du rétablissement de leur connexion. C’est cela l’addiction qui paraît à grande échelle lors de blackouts numériques.

 

(A Suivre)

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