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Interview : La Cybercriminalité sous la loupe d’une cyberpsychologue

Par Rym Boukadoum

Iterview pour TELECOM INFO  : http://it-alg.net/assets/index.php?p=article&id=1785

 

Dr. Djalila Rahali, psychologue, clinicienne de formation spécialisée en cyberpsychologie, une nouvelle discipline qui n’est pas encore reconnue en Algérie. Ex-conseillère de plusieurs ministres, chargée de la e-communication et chercheure en comportement humain dans les deux mondes réel  et virtuel étant membre du « Laboratoire des moyens d’investigation et techniques thérapeutiques des troubles comportementaux » de l’université Oran2 Mohamed Ben Ahmed. Elle s’intéresse aussi à l’utilisation du VPN par les enfants et adolescents, un phénomène qu’elle prédit s’accroître dans les années à venir surtout en réaction au contrôle parental souvent abusif et maladroit après le phénomène du « défi de la baleine bleue».

La cybercriminalité qui est certainement un phénomène en expansion, en  cyberpsychologue que vous êtes, comment la définissez-vous ?

Très bonne question puisque presque toutes les définitions qui veulent cerner la cybercriminalité vont vers le juridique et le pénal  plus que vers le psychologique.  Pour ma part, je la définirai en termes de comportements et d’atteinte à l’humain en avançant que « La cybercriminalité est un acte déviant direct ou indirect causé par un humain de manière consciente ou inconsciente, spontanée ou préméditée, immédiate ou différée, individuelle ou groupale, dans son milieu propre ou ailleurs, avec un impact en ligne ou hors ligne qui  peut toucher directement ou indirectement un humain, une entité structurée ou un Etat par une forme de crime telle que définie et décrite par la loi ».

Ainsi, la cybercriminalité est donc d’abord un acte et tout acte est un comportement, à l’origine humain. Elle utilise différentes interfaces dans le but de nuire par agression, vol, modification de données, escroquerie etc. C’est dans cet acte là, conscient et parfois inconscient que réside la responsabilité de l’être humain quand il est jugé une personne normale, majeure et libre de ses actes. 

Nous apprenons quotidiennement que le nombre d'infractions qualifiées de cybercriminalité sont en net augmentation. Selon vous quelles sont les causes de cette nouvelle délinquance? 

Là vous me tendez la perche pour parler de la cyberdélinquance qui est à l’origine du cybercrime souvent juvénile mais pas que cela. Il faut savoir que les études menées par les psychologues concernant le cyberespace et ses spécificités ont donné des réponses aux causes de l’augmentation des infractions et fraudes liées à internet via tout genre de plateformes.

Il est presque anecdotique pour un non psychologue de parler de spécificités psychologiques du cyberespace puisque cet espace n’est pas visible, palpable donc non physique. Pourtant, il est bien là et mieux encore, il vit, se développe et même mute grâce à des mécanismes que nous ne connaissons pas encore dans sa dynamique et que nous ne comprenons pas encore.

Avant la démocratisation des Smartphones, cet espace ne concernait qu’un environnement où l’accès des jeunes adultes et adultes se faisait via pc, à des heures précises  et avec un débit peu élevé. Maintenant et surtout avec l’introduction de la 3 et 4G, les prix à la portée de tous des pc, tablettes et Smartphones, ce cyberespace s’est vu envahir par tous, de l’enfant en bas âge à la personne du 3ème  âge. Cela a fait qu’actuellement, nous retrouvons tous les types de personnalité dans le cyberespace - plus spécialement sur les réseaux sociaux- de la personnalité normale à la personnalité déviante.

Grâce à quelques spécificités de l’espace cybernétique, dont l’anonymat - un mythe que l’internet réalise à tout un chacun, celui de « l’invisibilité » tant décrite dans les contes et légendes de l’Humanité- la perception de l’individu se retrouve biaisée qui fait que ses décisions ne peuvent pas être complètement correctes.

Les enfants et les adolescents sont les premiers à se perdre dans le monde virtuel, cette génération hyper connectée  qui fait l’objet d’études et de recherches psychosociologiques et qui est fascinée par le hacking dont elle en fait une mode.

Le hacker devenu le héros de l’espace cybernétique aux yeux des enfants et adolescents d’aujourd’hui, comment voulez-vous que ces jeunes n’aillent pas vers la cybercriminalité sans même être complètement conscients de leur acte ? Leur curiosité, leur vouloir d’expérimenter, de s’exprimer, de se distinguer, de prouver leur existence, de s’identifier, d’appartenir à un groupe etc.

Tout cela fait qu’ils peuvent facilement tomber dans les innombrables filets de la cybercriminalité comme criminel ou comme victime ou les deux en même temps puisqu’il a été constaté que quelques  cybervictimes devenaient, par la suite, cybercriminelles par vengeance.

A titre indicatif qui atteste, justement, la thèse de l’accroissement de la cybercriminalité dans le milieu des jeunes. La DGSN avait  signalé au premier trimestre  2017 une hausse des cybercrimes par rapport à l’année 2016 et qui était de l’ordre de 102% où 720 personnes ont été impliquées dont 30 mineurs soit 4,16 % des détenus ; ce qui est   alarmant est que ce chiffre est appelé à doubler ou tripler cette année chez les mineurs aussi (si on ne fait rien)  à croire la vitesse avec laquelle la cybercriminalité progresse surtout via les réseaux sociaux, le nouveau eldorado des cybercriminels.

Les causes de cette nouvelle délinquance sont, à mon avis, parce que nous n’avons pas été préparés à l’accueil d’internet dans notre vie.

 La génération Y a vu internet naître mais n’a eu aucune formation pour accueillir ce nouveau-né qui, non seulement est né grand et autonome, mais aussi grandit très vite et prend de l’espace dans notre vie plus que nous ne lui autorisions. Un bébé qui a pris, malheureusement, contrôle sur nous et nous mène vers l’inconnu.

Mon analyse fait que j’estime qu’il y a sept éléments primordiaux  qui ont fait exploser la cybercriminalité et dont je transcrirais le discours verbal qui nourrit l’imaginaire du cybercriminel et parfois de la cybervictime aussi:

1-L’impression de l’anonymat total (personne ne me connaît réellement et ne connaît réellement qui je suis).

2-L’impression de la distance (je suis loin, l’autre internaute est loin).

3-La perception biaisée de la présence en ligne (Détachement) (je n’existe pas par le corps donc je n’existe pas réellement dans le cyberespace)

4-L’impression de la liberté totale sans aucun pouvoir de régulation (je suis libre, je dis ce que je pense et je fais ce que je veux).

5-La perception du droit absolu (j’ai droit au plaisir, à la richesse et à la réussite sur tous les plans comme les autres internautes).

6-La perception biaisée de soi  (je suis intelligent, j’utilise mon intelligence pour avoir ce que je veux et montre de quoi je suis capable).

7-La perception biaisée des autorités sécuritaires (les services sécuritaires sont faibles en matière de sécurisation parce qu’ils ne sont pas à jour, ils ne peuvent pas m’avoir je suis plus connaisseur et plus intelligent).

A ces éléments j’ajouterai les spécificités du cyberespace telles que décrites par les cyberpsychologues. Ces spécificités ont fait que les deux mondes réel et virtuel ont fusionné pour faire naître un nouveau monde que je nomme  le monde « rértuel ». Le réel et le virtuel sont dans une relation symbiotique qui fait que chacun a un impact sur l’autre.

Donc, en parlant de cybercriminels, il faut que vous sachiez que je ne parle pas de hackers. D’ailleurs, je suis contre l’utilisation du terme «hackers» pour décrire les cybercriminels, puisque les hackers sont à l’origine non criminels. Ils sont dans leur essence des développeurs et des bidouilleurs de systèmes avec une mentalité et un code éthique propre à eux qui ne va jamais dans l’illégalité, tandis que les vrais criminels sont les Black  et Grey hats. Cet amalgame dans le terme hacker est dû aux mass médias qui, en recherche de scoops et de visibilité, ont porté préjudice aux véritables hackers qui ont créé internet et qui le développent à ce jour.

Ainsi, les jeunes algériens iront vers la cybercriminalité de plus en plus en présence du e-commerce qui requiert l’e-paiement s’ils se retrouvent au chômage et croient au gain facile sur internet et dans le Darkweb.

Ces types d'individus se sont  formés par eux-mêmes, c'est ce qu’on appelle le self made man. Ne peut-on pas les orienter vers des activités saines à leurs bénéfices et à ceux de la  société?

Votre question s’oriente vers les hackers qui sont effectivement et pour la plupart des personnes qui s’auto forment et se forment entre eux. Ils ne viennent généralement pas du milieu des sciences de l’informatique. J’ai eu à vérifier cela avec une étude que j’ai mené dernièrement auprès d’une population de 60 hackers éthiques et pentesters ( professionnels) dont la moyenne d’âge était de 29-28 ans.

Une population masculine à plus de 93%. L’étude concernait l’addiction au hacking chez cette population autodidacte dans la majorité des cas (93.33%).

En tant que psychologue, je vois cet intérêt porté au hacking comme un résultat et non une fin en soi. L’enfant qui joue aux jeux vidéos, aux jeux électroniques puis aux jeux en ligne de manière d’abord monôme, puis en groupe apprend systématiquement à cracker des jeux pour pouvoir continuer à jouer d’abord hors ligne, puis en ligne. Il apprend grâce aux cours sur YouTube et des amis virtuels. Petit à petit sa curiosité le mène loin. Il peut donc aller vers le hacking puis s’il découvre qu’il est un bon programmeur, codeur, il peut écrire ses propres codes pour cracker  et hacker n’importe quelle cible et c’est là qu’il devient vraiment dangereux puisqu’il ira vers la vente de ses codes sur le Dark web et s’enrichir surtout avec le système de Blockchain qui fait que la cryptomonnaie - type Bitcoin ou Ethernum-  deviennent accessibles et se légalisent de plus en plus dans d’autres pays où il est facile d’ouvrir des comptes bancaires.

Chez nous, l’utilisation de la cryptomonnaie est un acte illégal et toute transaction par son biais peut-être passible à de sanctions pénales mais n’empêche qu’il est possible d’ouvrir des comptes bancaires ailleurs via internet.

Donc, pour revenir aux cybercriminels type hacker criminels, nous pouvons naturellement les orienter à opérer dans la légalité pour des entreprises en qualité de pentesters et d’agents en cybersécurité qui auront pour mission de détecter les failles des systèmes et d’empêcher les intrusions.

Mais la difficulté est que comme tout criminel, ils restent inconnus à moins que d’être pris dans les filets des brigades chargées de la cybersécurité. Mais, si quelques-uns trouvent des occasions où exercer avec un salaire honorable qui satisfait leur besoin, je pense qu’ils iront vers ce chemin d’eux-mêmes. D’ailleurs, dans ma conférence du mois dernier, j’avais parlé de cet élément là au salon international Secura North Africa2018. En invitant à prendre en charge cette catégorie très spéciale de personnes, qui sont pour la majorité de jeunes adultes et  leur trouver un emploi décent qui va avec leur savoir-faire et leur passion.

Il faut aussi les prendre en charge par une équipe pluridisciplinaire s’ils s’avèrent addicts au hacking pour qu’ils ne soient pas consumés par leur addiction. Et en dernier, il faut être à leur écoute et les aider en cas de besoin puisque leur personnalité est atypique et que cette atypicité fait que la société ne peut pas toujours les comprendre et pire ne peut pas les intégrer et donc peut les juger mal, très mal.

Mais, il faut savoir qu’il y a un certain type de cybercriminels qui sont conversibles, car d’autres types déviants ne le sont pas surtout ceux dont les traits de personnalité qui versent dans l’anormal, ils resteront dans l’illégalité qui leur procure plaisir (grâce aux défis) et vol d’argent par carding ou autre.

Dans ce même contexte, je ne voudrai pas passer l’occasion de parler de beaucoup de jeunes hackers qui prennent conscience de leur utilité pour leurs concitoyens et surtout pour leur pays. Je parle là d’une dizaine, voire plus, d’actions dont le hacking éthique est à la base avec des compétitions en équipe et des formations bien dirigées par des professionnels dans les universités mais aussi ailleurs. Ici je fais allusion à un groupe spécial les « APS », des jeunes très motivés par leur enseignant M. Moussa  et qui font un joli travail de groupe.

 Ainsi, les hackathons  se multiplient et sont à la mode et cela ne peut qu’encourager ceux et celles qui ont des compétences dans ce domaine. Je dis celles car l’adhésion de la gente féminine se fait de plus en plus chez nous et ça ne peut être que louable puisque la femme  est le pivot de l’éducation dans sa famille et dans la société et peut très bien donner ce qu’elle possède à la génération future. 

 Quels sont les actes qualifiés en tant que cybercriminalité et qui font objet de répression  pénale ?

Tout acte criminel contre un humain, un bien ou un Etat est réprimé par la loi. Le cybercrime n’est en fait qu’un crime réel transposé dans le virtuel et donc il est puni par la loi au même titre que le crime dans le monde réel. L’impacte du crime à travers les moyens technologiques est pris en compte puisqu’il peut aller au-delà  du pays d’origine. Les délits les plus courants en Algérie et qu’on lit dans les journaux sont ceux qui concernent le cyber harcèlement, la cyber escroquerie,  l’usurpation d’identité , le défacement (changement de la home page d’un site web par une autre), le vol de données par phishing (email) , le cyberchantage, le cybersabotage de systèmes informatiques, le cyber espionnage industriel ainsi que le cyberterrorisme qui est contré par nos autorités vigilantes qui font des efforts colossaux pour sensibiliser à l’endoctrinement à des fins de recrutement par des terroristes.

En psychologue, je parlerai aussi d’actes cybercriminels qui ne sont pas trop médiatisés parce que peu connus ou mal connus. Là, je fais allusion à l’arnaque aux sentiments  et le cyberstalking. Le premier faisant ravage dans la vie des personnes et surtout des couples et le deuxième qui est  l’espionnage de quelqu’un ( ou plusieurs) en suivant les traces laissées sur son passage sur internet notamment sur les réseaux sociaux, exemple des commentaires, likes, smiley ou emoji etc., en vue de le nuire ou nuire à sa réputation sur internet (e-réputation). Ces cybercrimes font des ravages qu’on ne palpe pas mais qui laissent  derrière eux plusieurs troubles psychologiques et même psychopathologiques. Je le dis en connaissance de cause puisque depuis presque deux décennies d’activité sur internet sur mon site web personnel dédié à la consultation psychologique en ligne et à la thérapie en ligne aussi. Je reçois tous les jours des dizaines de demandes d’aide et une grande majorité touche l’arnaque aux sentiments qui installe le mal-être et même la dépression.

 Si les êtres humains, les algériens et algériennes en particulier, vivent dans le malaise, l’anxiété et le mal-être, comment voulez-vous qu’ils soient productifs et qu’ils soient bon éducateurs et enseignants, bons chercheurs et experts.

Ne croyez-vous pas que cela peut avoir un impact négatif sur notre économie ? Est-ce que l'e-économie en cours d'introduction en Algérie ne va pas augmenter la délinquance électronique ?

La cyberdélinquance pourra connaitre ses meilleurs jours si nos systèmes responsables du e-paiement ne seront pas bien sécurisés mais je pense que notre pays est en train de prendre les mesures nécessaires à grande et  à petite échelles dans le domaine de la cybersécurité.  Je suis confiante sur ce plan là surtout après avoir eu à participer au séminaire international sur la Cybersécurité d’Alger ISCA2018, ce sont les tentatives de cybervol d’argent et cybercambriolage qui vont nettement augmenter avec la e-économie émergente chez nous et dont le e-commerce est l’outil principal.

Beaucoup plus de personnes et d’organisations malveillantes tenteront, par tous les moyens, de cybercambrioler des banques, cybervoler des particuliers, cyberescroquer et cyberarnaquer des personnes  usant surtout des réseaux sociaux comme meilleures plateformes de délit. Ils utiliseront ce qu’on appelle « l’ingénierie sociale » pour pouvoir escroquer.

Le nombre de cyberdélinquants connaitra  aussi une augmentation non négligeable et avec le déploiement des moyens humains et matériels dans le domaine de la cybersécurité qui va aussi vers le prédictif, le nombre de détenus après avoir commis ce genre de délit connaitra aussi une augmentation et beaucoup de dossiers seront traités et des cas élucidés grâce aux applications mises en place par la DGSN et la Gendarmerie nationale pour envoyer des plaintes directement de son Smartphone en cas de problèmes sur internet et aussi dans la vie courante.

C’est pour cela qu’il faut, à mon sens, aller vers l’éducation (à tous les niveaux) comme moyen de lutte contre les cyberdélits ainsi que la formation et la sensibilisation des enfants , adolescents ainsi que  leurs parents.

Selon vous  quel stade peut-on dire qu'une personne est devenue addicte à internet ?

Tout d’abord je voudrai faire un lien entre l’addiction à internet, aux réseaux sociaux, aux  Smartphones et la cybercriminalité. Des études anglo-saxonnes ont prouvé qu’il y a un lien étroit entre l’addiction à internet et le fait d’être cybercriminel ou cybervictime puisque les deux ont un taux de connectivité assez élevé qui les met souvent en position de danger de devenir  cybercriminel (exemple cyberharceleur, cyberstalkers etc..) ou cybervictime ( cyberharcelé, cyber arnaqué ou cyberracketer).

Nous trouverons donc un trouble connu en milieu professionnel comme Usage Problématique d’Internet (UPI) puisque l’addiction à internet n’a pas été encore incluse dans le manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (le DSM5). On parle plus de cyberdépendance ou de dépendance à internet. Ainsi, le  cyberdépendant n’est pas celui qui passe beaucoup de temps sur internet comme beaucoup le croient. La cyberdépendance n’est diagnostiquée comme telle que si la personne «addicte» remplit un certain nombre de  critères. Et pour étiqueter correctement ce comportement  comme addiction, il faut d’abord qu’il occupe une place prédominante dans la vie de la personne qui sent de l’apaisement et du plaisir en s’adonnant à internet, quelle que soit l’activité choisie (jeux en ligne, Facebook, tchache etc.).

Ensuite, il faut qu’il y ait accoutumance avec un besoin d’augmenter la « dose de connexion » et donc le nombre d’heures, ceci pour obtenir les mêmes effets.

En dernier, il faut qu’il y ait sensation désagréable lors de la cessation ou de la réduction de la fréquence ou  de la durée  de l’activité. La cessation de l’activité donnerait les mêmes effets du sevrage, réactions incontrôlées  qui vont de la colère explosive aux actes de violence ou d’automutilation.

Dès lors, sur le plan physiologique, le stress, l’insomnie, l’anorexie ou la boulimie s’installent comme symptômes. Tandis que sur le plan relationnel,  l’addict entre généralement en conflits francs  avec son milieu familial (parents, conjoint, fratrie), son milieu de travail (collègues, chef..), ou son milieu social (amis, enseignants…) suivant le milieu où le problème se déclenche.

En conséquence, il peut carrément se couper du monde et toute tentative individuelle de réduction ou de cessation de connexion à internet conduit, dans la majorité des cas, à la rechute et la personne revient à son addiction.

L'addiction à internet est devenue comme dans de nombreux pays un problème de santé public, quels sont les moyens de traitement et de prévention?

Oui, c’est exactement cela. Plusieurs ont vite reconnu ce trouble dès qu’il y a eu des cas de suicide suite à l’hyperconnectivité dans le cas des jeux en ligne et surtout les plus dangereux de tous, les jeux en ligne multi-joueurs. Le modèle sud-coréen nous apprend qu’à cause de la mort d’un adolescent par épuisement après avoir joué sur internet de manière continue et la signalisation de 10 décès par pathologie cardio-pulmonaire dans des cybercafés ainsi qu’un meurtre lié aux jeux de violence, les autorités sud-coréennes ont installé le «Kado», une agence spécialisée pour contrer le problème  de l’addiction à internet, classée comme problème de santé public.

De plus, des camps de désintoxication ont été installés pour permettre aux addicts de revenir à la vie réelle et reconnaitre le réel du virtuel.

En outre, des pays comme la Chine, les USA, le Canada et la Grèce ont introduit des séances de sensibilisation à l’utilisation d’internet dans leurs programmes éducatifs et scolaires, surtout après que l’expérience grecque ait démontré qu’en l’absence de tout contrôle, les jeunes finissent par substituer toutes les activités de la vie réelle aux activités virtuelles au point où la limite entre le réel et le virtuel n’est plus reconnaissable.

En conséquence, les jeunes addicts deviennent plus introvertis et plus méfiants à l’égard de la communication directe, ce qui influe négativement sur la communication dans la société et sur son devenir.

L’Algérie et surtout après le phénomène du «défi de la baleine bleue» qui, à mon sens a été amplifié puisque les autorités concernées elles-mêmes n’ont pas pu faire le lien direct entre ce défi qui n’est ni un jeu, ni une application mais une conversation entre un malfaiteur et un mineur. Donc je disais que pas tous les suicides ont été réellement liés à ce défi et qu’il y avait  beaucoup d’éléments psychosociologiques à revoir chez ces enfants et leurs familles aussi.

L’Algérie après  ce phénomène s’est vue choquée au point où tout le monde a commencé à parler à tort et à travers des jeux électroniques et des jeux en ligne. Sauf, que très peu d’actions ont touché du doigt le véritable problème qui est dans  l’addiction à internet et l’hyperconnectivité de nos enfants mais pas seulement eux, même les adultes y sont concernés.

Les actions de sensibilisation et les conférences autour du thème de la dangerosité des jeux vidéo et des jeux en ligne se sont multipliés mais d’après mes recherches et constations, peu ont touché à l’addiction à internet comme cause principale.

Je salue au passage une initiative du ministère de la Santé , de la Population et de la Réforme hospitalière  qui avait, il y a quelques mois, mis en place un groupe de travail en conviant des experts psychologues, des pédopsychiatres et des responsables de santé scolaire pour étudier la problématique des dangers liés à l’exposition non contrôlée des enfants à internet.

Aussi, durant les deux dernières années, quelques efforts louables ont été faits en Algérie mais restent insuffisants devant l’ampleur du phénomène. Certes, l’addiction à internet et aux jeux en ligne, comme modèle prédominant, n’a pas encore été bien recensée en Algérie mais ce fait ne nous empêchera pas  de tirer l’alarme avant qu’il ne soit trop tard. 

Pour traiter ce genre de drogue dure il faut que cela se fasse par des psychologues cliniciens et parfois par toute une équipe pluridisciplinaire. Mais il reste qu’il faut prévenir avant de guérir.

En tant que psychologue clinicienne qui active dans l’espace cybernétique et qui reçoit d’innombrables demandes d’aide des parents, je vais d’abord inciter à la formation des parents eux-mêmes perdent pour instaurer les bons gestes dans la famille comme par exemple, pas de Smartphone pendant les réunions de famille et à table ainsi que dans les chambres la nuit.

Revenir au réveil classique pour se lever le matin ; installer des applications qui vous donnent l’information de votre utilisation du Smartphone avec notifications quand vous dépassez le seuil de consultation. Je cite l’exemple de l’application « QualityTime » et de OFFTIME DigitalDetox. Il faut passer à la formation et non seulement à la sensibilisation des enfants et adolescents aux avantages et dangers d’internet et comment rester vigilant, se protéger et protéger ses données personnelles.

L’éducation civique numérique doit aussi être incluse comme matière annexe  à l’éducation civique classique comme je l’ai déjà proposé. Ceci pourra aider les parents à être aidé par leurs enfants quand il s’agit d’utiliser les e-service ou les plateformes de l’e-administration.

Un dernier mot …

L’introduction de la cyberpsychologie comme spécialité à part entière dans nos universités s’avère primordiale pour comprendre mieux le cybercrime et l’humain qui agit. Comprendre l’humain c’est déjà savoir comment protéger les autres de lui quand il est dangereux et comment aussi le protéger de sa déviance en lui inculquant les comportements sociaux qui conviennent à sa personnalité  pour qu’il s’intègre dans la société.

La cybercriminalité devrait être à l’ordre du jour aussi de toutes les entreprises car il s’est avéré par des études, que sensibiliser par email était inefficace, donc il faut aller vers la formation  systématique de tous les cadres et aussi avant recrutement.

Il faut mener un entretien approfondi pour déceler les éléments qui peuvent faire de cette personne un insider, le cybercriminel dans son entreprise.

Je vous remercie aussi pour l’intérêt que TELECOM INFO a porté à ma personne et à mes activités et actions que je mène dans différents environnements commençant par les écoles primaires et finissant par les entreprises.

Tag(s) : #cyberaddiction, #cyberdépendance, #Cybercriminalité, #Cybercrime, #Enfant, #Jeux, #Cybervictime, #Kidnapping
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